dimanche 16 septembre 2018

La vie avec le feu en Californie

Un soir d'Août dernier, nous regardons tranquillement un film après que les enfants soient couchés, lorsque nos téléphones se mettent à vibrer avec insistance, au point de ne pas pouvoir les ignorer très longtemps.

Les réseaux sociaux bouillonnent, notamment Nextdoor, le réseau des voisins : "Urgent - Feu à Anatolia", qui est le lotissement voisin du nôtre. Adeline se dirige vers la porte fenêtre du jardin, d'où elle ne peut pourtant pas voir Anatolia, et à sa réaction, je sais qu'il se passe quelque chose.

Nous courons à l'étage, et la vue depuis la fenêtre de notre chambre est terrifiante : 

Vue depuis notre chambre - La nuit amplifie la luminosité du feu, et ce front de flammes faisait plusieurs centaines de mètres de long

En deux secondes à peine, mon rythme cardiaque monte dans le rouge : Le feu semble complètement ravager ce quartier où des milliers de personnes vivent, et où se trouve l'école de Thomas.

Je pense immédiatement qu'il va falloir réveiller les petits et évacuer. Avant de paniquer davantage, coup d'oeil rapide sur internet où les messages, vidéos et photos sont rassurants : C'est un feu de broussailles de l'autre côté d'une grande avenue et d'un canal, certes assez proches, mais que le feu ne pourra jamais traverser.

Le feu est maîtrisé assez rapidement, et plus de peur que de mal au final : Aucun blessé et aucune structure atteinte.

Séquoias ayant résisté au feu

La Californie a toujours été un lieu propice aux feux de forêt. Après tout, c'est le seul endroit au monde où poussent naturellement les séquoias géants, arbres millénaires qui ont besoin du feu pour se reproduire : Le feu fait de la place au sol pour les futures jeunes pousses, et c'est la température du brasier qui indique au séquoia qu'il va pouvoir laisser tomber ses graines pour que petit séquoia pousse sur un sol fertile après incendie.

Le problème n'est donc pas nouveau et a créé son propre écosystème avec les séquoias depuis des siècles.

La carte de tous les feux de juillet - août 2018. Seul le sud-est de l'état y échappe : C'est le désert de Mojave et la vallée de la mort, où il n'y a rien à brûler depuis longtemps.


Durant l'été, il y a en permanence 10 à 20 feux actifs à travers tout l'état. C'est le cas depuis des années, et cela n'a donc plus rien de surprenant quand on vit en Californie. Mais ce qui change, c'est que le réchauffement climatique amplifie la vitesse et la facilité avec laquelle le feu se déplace.

A Sacramento, la dernière pluie date du 25 mai 2018. On va donc arriver à quatre mois d'affilée sans la moindre goutte d'eau, et durant lesquels la température a dépassé les 30 degrés pratiquement tous les jours, avec une dizaine de jours au delà de 40 degrés.

En Août, on a dépassé les 30 degrés tous les jours. Le paradoxe, c'est que la fumée des feux a adoucit la température de quelques degrés lorsque le soleil pouvait moins atteindre le sol.

Il est facile d'imaginer l'impact sur la végétation, complètement sèche et prête à s'enflammer à la moindre étincelle. Ajoutez à cela la proximité de l'océan qui apporte du vent, et certains incendies tournent à la catastrophe en quelques minutes : Autour de Redding par exemple, un jour venteux à 40 degrés, un feu de forêt voisin a atteint la ville en un rien de temps et brûlé des centaines de maisons en quelques heures à peine.

Plusieurs personnes n'ont pas eu le temps d'évacuer et ont donc péri au milieu des flammes.

Un lotissement réduit en cendres à Redding

La situation n'est donc pas simple, surtout quand on sait que les pompiers ne peuvent même plus vraiment lutter contre le feu avec de l'eau.

Dans la Sierra Nevada, c'est bulldozers, tronçonneuses, et même... feu (!) qui servent à supprimer la végétation sur de larges bandes afin de créer des lignes sans carburant qui stopperont l'incendie. Nous avons suivi avec attention le feu Ferguson, qui a perturbé Yosemite (et même fermé le parc pendant deux semaines) et donc les locations de notre chalet, et c'était juste impressionnant de voir les opérations menées pour l'arrêter.

En tout, cela aura pris 40 jours, avec une surface brûlée équivalente à quatre fois la superficie de la ville de Paris.

Le feu Ferguson a failli entrer dans la vallée de Yosemite, visible en haut à droite. La vallée a dû fermer pendant deux semaines, une première historique.


 La qualité de l'air était mauvaise jusqu'à Sacramento pendant deux bonnes semaines, où on pouvait sentir la fumée bien que les feux les plus proches étaient à plus de 140 kilomètres !

Le soleil à travers la fumée début août. Il faisait 33 degrés malgré ce voile gris.

La pluie devrait revenir en octobre, en général pour Halloween, et en attendant, le retour des températures plus douces (il ne fait "que" 26- 27 degrés ces jours-ci !) avec les jours qui raccourcissent fait du bien.

Du coup, il n'est pas surprenant que la Californie soit toujours en première ligne quand il s'agit de combattre le réchauffement climatique. Si voitures électriques, panneaux solaires et autres mesures de développement durables viennent souvent de notre Golden State, ce n'est clairement pas un hasard.

2 commentaires:

  1. L'article est vraiment très intéressant, merci !

    J'avais lu que même à Portland (qui est pourtant tout au nord de l'état), les habitants ressentaient les fumées et que la qualité de l'air était mauvaise.

    A Sacramento, lorsque la qualité de l'air est aussi mauvaise par la fumée, les activités extérieures des enfants (à l'école, ...) sont-elles maintenues ? Ressentez-vous l'odeur de la fumée à l'intérieur aussi ?

    J'avais regardé un reportage sur les séquoias géants qui disaient que ces arbres millénaires étaient menacés par les sécheresses à répétitions. Certains de ces arbres sacrifient les plus hautes feuilles pour économiser de l'eau et survivre.

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    1. Certains jours, les entraînements de foot ont été annulés, et les écoles passent moins de temps dehors. Mais Thomas s'est aussi entraîné avec l'odeur de fumée et par 35 degrés plus d'une fois.

      Heureusement ça ne sent jamais à l'intérieur, juste un peu à l'extérieur.

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